L'Ange, l’Enfant
Le jeune enfant appartient entier à l'ange qui l'habite, l'effacement duquel se nomme l'éducation.
Chacun sait qu'il s'agit d'un long travail : voiler la lumière.
Que nous prend-il de nous incarner ?
Toute la vie se passera parfois dans cet impossible rapprochement entre l'ange et l'humain qu'il a souhaité devenir.
Un paysage qu'on n'entrevoit que le matin, entre loup et chien, qui s’évanouit aussitôt qu'effleuré, - mais qui, dans sa disparition même, et dans son impossibilité à persister, signe le plus entier empire qu'il a sur l'humain, l’indélébile trace d'un au-delà, d'un ailleurs, d'un ''autre chose que ce monde'' qui m'habitera jusqu’au soir, passager clandestin de l'embarcation improbable qu'est ''ma vie''.
Ce clandestin-là est le capitaine de ma solitude, mon Nord intérieur et sensible, le présage de tout ce qui m'arrive.
Celui qui m'a tout promis.
Celui qui m'a tout pardonné.
L'enfant que je demeure.
Séjourner dans cette lumière ?
Oui, de grâce, à jamais !
C'est sur cette incertaine frontière que se situe l'Art : un pied dans l'invisible (sinon à quoi bon?) l'autre dans la glaise quotidienne.
On ne s'étonnera guère que l'échec y trouve place plus souvent que la réussite : l'Ange n'a que faire des barreaux d'une œuvre figée, il est un fugueur, un fugace, un vif-argent.