Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Présentation

  • : Le blog de jeanpierrevaissaire
  • : écriture - méditation - humanité - Loire - aventure - chauffage solaire - recherche intérieure -
  • Contact

Profil

  • jeanpierrevaissaire
  • Cambrioleur à 12ans, maçon à 17, marchand de crêpes, éleveur de volailles, méditant dans les Alpes, Artisan-menuisier, Rebirth-thérapeute, sa vie libre est une succession de fugues. Il échappe ainsi à l'armée, au mariage, à la télévision
  • Cambrioleur à 12ans, maçon à 17, marchand de crêpes, éleveur de volailles, méditant dans les Alpes, Artisan-menuisier, Rebirth-thérapeute, sa vie libre est une succession de fugues. Il échappe ainsi à l'armée, au mariage, à la télévision

Traduction en anglais http://fp.reverso.net/jeanpierrevaissaire-over-blog/5174/en/index.html

2545129567_8040483934.jpg

24 avril 2019 3 24 /04 /avril /2019 17:51

Grâce.

 

 

Une Fête du Livre de village, salle communale.

C'est le matin, les gens commencent à défiler devant les stands, encore peu nombreux.

Las d'attendre derrière ma pile de bouquins, je me lève pour faire quelques pas.

Et là.

La Fille. De grands yeux de mer vaste, transparence abyssale. Des cheveux dans les yeux, des bras qui volent dans toutes les directions. Elle m'a vu. Son regard accroché au mien aussitôt, scotché, seconde décisive. Attraction irréversible, instantanée, absolue. Les planètes ne tournent dans les cieux depuis des millénaires que pour aboutir à des urgences de ce genre - fusion des regards - aimantation irrévocable. La fille comme en se débattant lâche la main qui essaie de la retenir, la fille, 15 ou 18 mois, ne veut à aucun prix rater son grand rendez-vous de la journée.

La Mère. Sac à dos, poussette, besace en bandoulière, cheveux jusqu'à la ceinture, longue robe, trois-quarts chic, un-quart baba cool. Je ne la connais pas, je l'ai tout au plus croisée quelques fois au village, chez un commerçant ou l'autre. La mère tente de rattraper la fille, ne le peut, encombrée poussette besace cheveux, trébuche à demi. Finit par céder.

Là elle est bouche bée, grande ouverte : elle assiste aux premiers pas de sa fille sans aucune main pour la tenir.

Sept, douze pas, d'un coup. Une rafale. Quelque chose qui mûrit depuis des mois et qui surgit d'un coup.

Ébahissement. Stupéfaction. Sidération.

J'ai le temps de m'accroupir pour accueillir l'enfant qui chancelle - mais marche ! - jusqu'à mes bras. Je regarde la mère.

Tout ceci a pris place en une seconde à peine, automatisme parfait. Avènement , victoire, consécration.

L'instant tient du couronnement.

Je regarde la mère.

Elle est indiscutablement belle.

Non parce qu'elle est jeune, ni parce qu'elle est élégamment vêtue, ni qu'elle ressemble à telle ou telle. Nous ne sommes pas ici dans une revue féminine, nous sommes dans une toile de Botticelli.

Elle est belle parce qu'elle rayonne. Mais aussi parce qu'elle pleure. Cette minute, que peut-être elle attend depuis des mois, la ravit à elle-même. Sa fille vient de faire ses premiers pas, sans aucune aide extérieure, de sa propre et forte volonté, pour rejoindre un total inconnu. Alors la mère pleure, elle est débordée d'une eau qui tient à la fois de la sérénité et de la tempête, elle pleure le bonheur épanché et exultant, c’est une concentration, un surgissement, une érection brutale d'un flot de vie dans cette seconde bousculée.

J'ai attrapé son petit bout de bonne femme dont les pattes arrières battent encore l'air. Elle s'accroche à mon cou, radieuse, tout étonnée elle aussi de ce miracle soudain.

La mère accourt, récupère sa bouture, les yeux inondés, les joues trempées, elle flotte dans cet incertain état de la conscience où rien ne se contrôle plus, la bride lâchée sur l’encolure de la cavale, notre vie folle, follement libre une fois rendue à sa juste démesure.

Je n'ai pas compris pourquoi cette enfant qui ne m'avait jamais vu, m'a « choisi » pour ses premiers pas.

Je n'ai pas compris pourquoi les larmes de soudaine ivresse de la mère se sont glissées, clandestines, sous mes propres paupières. Les vraies rencontres avec les enfants sont des instants d'initiation et de baptême face à l'invisible.

 

 

Partager cet article
Repost0

commentaires

I
Ah ! mais quel bonheur de lire ceci ce soir ; "la vie à sa juste démesure" et l'écriture toujours aussi juste !
Répondre